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Rapport de stage

À l’invitation de Xavier j’ai le plaisir d’alimenter le blog de l’atelier Skals par ce petit billet et ainsi partager mon expérience de stagiaire (un peu particulier).

Car me voici, un « grand » stagiaire, la trentaine passée, qui s’embarque dans une reconversion en architecture d’intérieur. En comparaison de mes expériences passées j’ai pu découvrir un autre rapport au travail et à l’entreprise dans la petite structure qu’est Skals et cela avec grand plaisir.

Mes restes de théoricien universitaire de ma vie d’avant étant encore vivaces je propose une petite ethnographie informelle de la tribu Skals. En trois points cela va sans dire.

Le dessinateur et son outil 

Le dessinateur de plans est un artisan, et cet artisan a un outil bien particulier : AutoCAD. AutoCAD est le meilleur et le plus intuitif des logiciels de DAO (Dessin Assisté par Ordinateur)… sauf les moments où il n’est ni le meilleur ni le plus intuitif. Ainsi est la relation d’amour/désamour du dessinateur avec AutoCAD : indispensablement frustrante et aussi incontournable dans le métier qu’un mur dans lequel on fonce droit dedans. Le dessinateur retrouve son logiciel chaque matin comme l’ébéniste retrouve son fidèle marteau…À la différence que quand il revient à l’atelier, une mise à jour ne lui a jamais fait retrouver son marteau qui fait des rotations tout seul dans sa main et autres bizarreries…

Autocad 1986

En 1982 le logiciel AUTOCAD est lancé par la compagnie Autodesk pour les ordinateurs personnels. Et c’est bien cela sa nouveauté, de pouvoir être utilisé sur un PC, car le dessin assisté par ordinateur existe déjà mais ne peut se faire que sur des macro-ordinateurs c’est-à-dire des armoires à glace d’électronique qui peuvent parfois remplir une pièce entièrement. Depuis, le logiciel s’est imposé dans les disciplines ou des plans précis sont nécessaires : de l’architecture à l’ingénierie. Dans le cas de ma formation nous avons eu 50 heures dédiées à son apprentissage, ce qui nous a donné de solides bases et une rapide indépendance dans sa prise en main (merci beaucoup à notre formateur Charles Malbrand et son excellente pédagogie). Cependant nous avons tous eu dans la formation un certain vertige en découvrant les plans AutoCAD de nos agences respectives. Pour utiliser une analogie : le plan sur AutoCAD n’est pas tant une représentation visuelle en 2D de l’ouvrage qu’un roman russe de deux milles pages qui s’affiche sur une seule et unique image. Dit plus sobrement le plan par DAO condense toutes les informations d’un ouvrage, comme un mille-feuille, mais où chaque strate (plan de sol, plan mobilier, plan électrique, plan de plafond etc.) est visible. Au besoin le mille-feuille peut être décomposé en « vues » qui montre seulement les éléments pertinents pour un électricien ou un staffeur et ainsi faciliter sa lecture. Cependant le plan avec toutes ces strates visibles demeure un point de référence à tout moment pour tous les corps de métier lors du chantier. Il fait partie du DCE qui est régulièrement consulté sur place. Il est la « Bible » du projet qui informe chaque moment de sa réalisation.  Son importance est résumée par le dicton suivant d’une de nos formatrices : “Les bons DCE font les bons chantiers”.

Le crayon dame la souris

Le dessinateur communique avec ses mains… et un crayon. Malgré la grande joie qu’il éprouve d’être rivé à son ordinateur, le dessinateur doit parfois communiquer avec ses semblables et le dessin reste le moyen le plus efficace. Je soupçonne que ça soit une excuse pour s’éloigner du logiciel. Il peut ainsi remplacer la litanie des clics par les caresses du graphite sur du papier…ne serait-ce qu’un court moment.

Croquis Cedric

La formation dispensée par le GRETA-CDMA a choisi de mettre l’accent sur le dessin dans les premiers mois avant d’introduire plus tard les logiciels tels AutoCAD et SketchUp. C’est un choix pédagogique qui agite aussi les écoles d’architecture et sans porter un jugement de valeur sur une approche ou l’autre je m’inscris personnellement du côté du crayon. Ainsi lorsque les DAO sont devenus une activité quotidienne pour moi, j’ai toujours gardé près de moi un carnet à dessin ou quelques feuilles, que cela soit pour expérimenter, chercher ou solutionner les différents problèmes qui apparaissent lors de l’élaboration du projet de formation. J’ai eu le plaisir lors de mon entretien pour le stage avec Cédric Bidan de voir que nous étions d’un même avis sur cette question. Si je devais résumer notre conservation ce serait avec la maxime suivante « On fait avec l’ordinateur, on pense avec le crayon ». Cet aspect est fortement présent dans la vie de l’atelier et plus qu’une facilité de communication (on n’a pas besoin de régler les plumes et exporter en PDF son croquis…), c’est une culture, une idée de l’échange, un certain rapport au réel. Car du bout du crayon la main appréhende la spatialité et ses enjeux d’une manière toute particulière et évite bien des déconvenues. Certes le produit final et sa réalisation est entièrement par ordinateur ; le romantisme des ateliers de dessins d’antan est bien loin… mais sa culture perdure. Et elle perdure tout autant dans les 30 secondes quotidiennes de dessin fait dans son carnet que dans la nécessité d’une axonométrie plus élaborée pour un problème précis : l’intelligence de la main est toujours présente.

Pèlerinages aux showrooms

Cédric Bidan, mon tuteur de stage, a eu la bonne idée de solliciter Hala Abi Yaghi, décoratrice, pour découvrir des missions externes au cœur d’activité de l’atelier. J’ai ainsi poursuivi mon ethnographie d’une autre tribu : le décorateur. J’ai observé Hala dans un de ces éléments naturels en l’accompagnant aux showroom textiles rue du Mali. Le décorateur en général a une relation toute particulière aux matières, presque de l’ordre du sacré, comme on peut le voir dans le sketch ci-contre croqué sur place. On distingue clairement une forme de communion avec le tissu de la part de la décoratrice…peut-être même une transe ! Il semblerait aussi que l’on touche, caresse et tâte les matières avec d’autant plus de joie que nous sommes tous cruellement privés de nos chers bises, poignées de mains et autres étreintes amicales. Ça ne remplace pas, certes, mais c’est toujours ça.

Showroom

Hala a été ma « co-tutrice » pour découvrir les aspects créatifs du métier d’architecte d’intérieur.  Parmi ces précieux moments d’apprentissages avec elle, il y a eu la visite des showrooms textiles rue du Mali. J’ai découvert l’importance de la norme Martindale dans le choix d’un tissu par rapport à l’usage auquel il est destiné. Comment des palettes de couleurs d’un motif rideaux peut être un point de départ pour définir la tonalité d’une pièce. Savoir intégrer un tissu haut-de-gamme dans un budget modeste en en faisant un galon qui va aussi servir à rigidifier le rideau et mieux le faire tomber. Mais tous ces conseils n’ont jamais été des « astuces » car Hala a toujours veillé à transmettre la philosophie qu’un choix n’est jamais gratuit. Que ça soit un choix de textile ou mobilier, il y a toujours la finalité de qui va l’utiliser, comment cela va être utilisé, à quel moment de la journée et ainsi de suite. Cette rigueur de l’architecte d’intérieur, c’est aussi une rigueur face au client pour lui présenter une proposition réfléchie qui reflète la confiance de ses choix.

Hala

J’espère que ce petit billet d’humour a été divertissant et informatif pour le lecteur. Il n’est évidemment pas exhaustif quant à mon expérience chez Skals mais j’ai essayé de partager un regard un peu décalé et ainsi faire entr’apercevoir la vie toute particulière d’un atelier de dessin ainsi que celle d’un stagiaire en reconversion dans le monde de l’architecture d’intérieur.

Alexandre J.

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